Flash back
Voilà maintenant j'ai 23 ans, je suis animatrice en maison de retraite, j'ai un appart, un chat qui s'apelle Maryline, pas de mecs mais beaucoup d'amis et quelques plans cul, je suis plutôt bien dans mes baskets même si ma vie n'est pas toujours parfaite, et je ressemble à une nana normale: avec des boutons sur la gueule tous les 28 jours, de la cellulite dans les fesses, un charme à toute épreuve, des cd de Brel au bord de mon lit en période de déprime, un petit god dans le tiroir, des culottes en coton gigantesque, et j'en passe. Bref une bridget jones à la française.
Mais ce ne fut pas toujours le cas. Qui j'étais avant?
Avant j'étais pas jolie-jolie. Disons que lorsque je regarde des photos de moi à posteriori je me trouve assez moche, mais ce qui compte c'est qu'à l'époque je me trouvais belle.
J'ai toujours eu une très forte personnalité, en primaire j'étais la "commandante". Je menais à la baguette une huitaine de petites filles qui n'avaient pas d'autres choix que d'être mes copines. Ma mère m'a beaucoup reproché ce comportement de dictateur, mais moi je ne savais pas agir autrement. Ma mère disait de moi que j'étais méchante.
A l'adolescence j'ai pris du retard sur les autres filles: j'ai eu des seins après toutes les filles. Et mes seins se sont rapidement arrêtés de pousser d'ailleurs. M'enfin je les aime beaucoup, je n'ai jamais eu de complexe.
La première fois que j'ai eu mes règles je n'y ai pas cru: j'ai dis à ma mère "nonnonnonnon, c'est pas ça des règles, ça c'est des pré-règles". Pareil pour la poitrine, avant de voir les seins se dessiner on sent une boule à l'intérieur et moi j'assurai à mes parents que "nonnonnonnon c'est pas des seins, c'est un cancer du sein ça, et c'est vachement grave".
Après j'ai eu une phase: 2,5 cm de fond de teint sur la tronche, rouge à lèvres marron, premières cigarettes, premiers cours sèchés,et premiers mecs.
Il faut savoir qu'à l'époque j'étais très triste parce que mes parents m'habillaient de façon anti-mode.
A l'époque des jeans strech moi j'avais les jeans large aux cuisses, et serrés aux chevilles avec des écussons cousus dessus.
A l'époque des bombers j'avais une doudoune rouge géante de la marque Jacadi.
Et dans les cheveux: un serre-tête.
A l'époque je le rapelle les mecs sont atroces: ils sont bêtes comme leur pieds, ne pensent qu'à se branler sur les gros seins de Julie, et jouent en classe avec leur crottes de nez.
Vous pensez bien que pour ce type de mecs je n'existait même pas.
Et puis j'étais très insolente. Avec mes parents, les profs, et tout ce qui représentait l'autorité de près ou de loin.
Et puis j'ai fait une crise d'ado puissance dix milles.
Mes parents étaient très durs, très strict. Et parfois ça se passait plutôt mal.
J'ai fait trois fugues. La dernière a duré une semaine. A la troisième fugue la mère de mon copain de l'époque a fait un signalement au commissariat pour constat de coups et blessures.
Attention, on ne s'emballe pas: je n'ai jamais été une enfant martyrisée.
Simplement parfois ça dérapait sévèrement. Mon père n'a jamais su gérer la situation autrement que par la violence.
Alors j'ai été placée en foyer, dans un service d'accueil d'urgence. J'avais 15 ans. Je sais que ça va être du chinois pour beaucoup d'entre vous car les gens ne connaisent pas les foyers.
L'ASE (aide sociale à l'enfance, anciennement la DDASS) place des mineurs dans des centres où ils sont suivi par des éducateurs. Moi j'ai été placée avec une quinzaine de nanas délinquantes, qui avaient des problèmes infiniment plus graves que les miens, et la cohabitation a été... comment dire... difficile.
Le foyer c'est la guerre: des filles qui se battent à coups de ciseaux, des vols, des injures, la peur.
Il y a une hierarchie: en haut de l'échelle les Noirs, ensuite en dessous toute nationalité confondues: maghrébine, portuguaise, etc. , et en bas de l'échelle: les Blanches. Donc moi.
Seule blanche au foyer quand je suis arrivée. Pire que ça: je venais du 92 (banlieue bourgeoise) et cerise sur le gâteau je faisais des études (j'étais en 1ère L). J'aime autant vous dire qu'elles ne m'ont pas fait de cadeaux les filles du foyer, et que j'ai jamais eu autant peur que pendant les neuf mois où j'ai vécu la-bas. Mais je ne me suis jamais battue avec personne. J'ai fait mon petit bonhomme de chemin et j'ai réussi à m'imposer grâce à l'ancienneté. Au bout de 5 mois une nouvelle est arrivée: elle était blanche, venait du 78 et faisait les même études que moi. C'était Meilleure Amie.
A l'époque je haïssais mon éducatrice référente qui était une belle nana de 25 ans, perpétuellement souriante et très énergique. Je me rend compte maintenant que j'ai tout fait pour être cette fille car je suis devenue "ce genre de fille".
Après ces neuf mois au foyer, comme je voulais m'en sortir et surtout ne pas retourner dans un autre foyer de ce type je suis allée dans un service d'aide à l'autonomie pendant un an et demi: appartement partagé avec deux autres filles, budget à gérer, etc... Puis j'ai pris mon envol et j'incarne actuellement une "réussite" pour l'ASE, mes éducateurs, et mon assistante sociale. J'ai renoué contact avec mes parents très rapidement et depuis on s'entend très bien, mieux que la plupart des familles que je connais d'ailleurs.
On a su se pardonner ce qu'il y avait à pardonner et on a été de l'avant. Moi j'ai vite compris que je ne pourrai pas vivre sans l'amour de mes parents. Aujourdhui on a une relation d'adultes à adultes qui est très chouette.
Voilà ce que j'étais quand j'étais plus jeune.
Et puis après je suis devenue la jeune fille dont vous lisez les péripéties.