Mon travail.
- "Et toi qu'est ce que tu fais dans la vie?"
Voilà ce que me demande la pouf de base.
A quoi reconnait-on la pouf de base?
Pouffy Girl, comme nous la nommerons ici affectueusement, se repère de loin. Elle porte des bottes par dessus son jean, parfois ces bottes peuvent même s'apparenter à des après-ski ou moon-boots, et ce, même s'il fait tranquillement sa vingtaine de degrés à Paris. Pouffy Girl a aussi souvent une frange en diagonale qui tombe sur ses yeux et elle peut même arborer des grosses lunettes Chanel (roses de préférence), elle possède aussi un tout petit-mini-sac à main dans lequel même mon portable ne rentre pas.
Poufy Girl est également reconnaissable à ses ongles. Non elle n'a pas mis du Tippex sous ses ongles, chez les connaisseurs ça s'appelle une French Manucure, oui oui c'est immonde.
Et quand je répond: "Je suis animatrice en maison de retraite" la bouche de Pouffy se déforme.
Et oui tout-petit-ami-virtuel, car dans sa tête, parfois, les choses vont très vite:
Maison de retraite = Vieux = Moches + Sales + Tristes = cette fille est folle.
Alors il y a trois questions que Pouffy va me poser. Trois questions que je connais par coeur car ce sont toujours les mêmes. Trois questions horripilantes à la longue. Mais en bonne animatrice j'y répond toujours avec patience.
Afin que les Pouffy soient informées, et que par extension les curieux qui n'y connaissent rien soient également mis au parfum, je vous en fait part.
1: "C'est pas trop dur comme métier?"
NON. Sinon je ne le ferai pas, flemmarde comme je suis. C'est même pas dur du tout, on dirait du bénévolat en plus complet. Quand je vais au boulot, j'ai pas l'impression de travailler.Je suis totalement autonome dans ma façon de bosser. L'établissement où je travaille à ouvert ses portes il y a peu, si bien que je ne passe pas après une autre animatrice, j'ai donc créé mon planning d'activités à ma sauce.
Très tôt le fait de bosser avec des personnes âgées m'a attiré. J'aime le cocon d'un établissement gériatrique, l'aspect "enveloppant" de la maison de retraite.
J'aime mon métier car j'ai "le bon côté des choses" par rapport aux soignants. Je ne fais pas la toilette des résidents, je ne les soigne pas, je ne leur donne pas à manger, je ne fais que m'occuper de leurs loisirs.
Bref je ne m'occupe que de leur plaisir. Je suis là pour leur faire du bien, pour les distraire, les valoriser, les faire rire. Je suis là pour faire en sorte qu'ils se sentent vivants. Je crée de la vie là où elle est en train de partir. C'est un métier extrèmement valorisant, où on apprend énormément de choses sur le genre humain, et donc sur soi.
Oui le fait de les voir mourir un par un n'est pas évident à gérer. Mais j'ai appris à me dire que c'était surtout triste pour ceux qui restaient, car l'être humain est égoiste.
Et enfin mes résidents sont des gens qui ont entre 85 et 100 ans, alors autant vous dire qu'ils ne comprennent strictement rien à notre société. Ils étaient déjà atterrés par les évènements de Mai 68 alors je ne vous parle même pas du CPE aujourd'hui. Alors oui, je répète 500 fois les mêmes choses, tous les jours, telle une machine docile et patiente.
Mais je passe des moments magiques.
2: "Mais ...T'as fait des études pour ça?" (ton méprisant)
OUI. Dingue non? Un bac + 2 précisément. Rien de folichon je te l'accorde tout-petit-bout-virtuel, mais juste de quoi avoir quelques bases de psycho et socio quand même.
3: "Mais tu fais quoi exactement comme animations?"
Pfiou. J'anime différents ateliers matins et après-midi, du lundi au vendredi auprès de deux populations très différentes: les personnes qui ont à peu près toute leur tête, et celles qui sont désorientées. Les activités pour la première catégorie de personnes peuvent aller du Débat sur les Actualités, à L'Atelier Mémoire en passant Le Jeu du Bacclauréat ou Le Quizz Musical. Pour les personnes de la seconde catégorie les activités sont infiniment plus basiques et vont de l'Atelier Travaux Manuels à l'Atelier Crêpes, en passant par l'Atelier Jeux Memory ou Loto.
Parrallèlement à cela je m'occupe de l'aspect socioculturel de l'établissement. Je met en place un évènement par semaine (5 par mois): deux concerts, une conférence, une lecture de contes à voix haute, et une sortie. Et comme je ne peux pas me dédoubler je trouve des bénévoles qui viennent m'aider. Chaque trimestre le journal de la Maison de retraite sort et ça c'est aussi sous ma responsabilité.
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Oui Pouffy, j'ai un boulot en or.
Et là je lui décroche mon plus beau sourire.
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