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Le blog du coton tige
8 mars 2006

La suite, la suite, la suite.

Quel est le comble de l’HP ?

C’est de tomber sur un fou.

Un psychiatre avec un fort accent, mais comme je suis inculte je n'ai pas reconnu l'accent.

En psychiatrie, il y a (il me semble) trois sortes d'hospitalisation:
l'hospitalisation libre: c'est lorsque l'individu décide lui-même de se faire hospitalisé.
l'hospitalisation d'un tiers (HDT): c’est lorsqu'un membre de ta famille te fais hospitalisé (et tu ne peux pas repartir quand tu le souhaites)
l'hospitalisation que j'appellerai médicale ou légale: c'est lorsqu'un médecin ou un juge demande ton hospitalisation, et là accroche-toi pour ressortir un jour.

J'étais arrivé dans cet établissement public en pleine nuit, shootée par les médocs mais pas trop quand même.
Quand tu arrives dans un HP on te regarde bizarrement.
La première fois le médecin de garde m'avait demandé, excédé: "Mais pourquoi vous tremblez comme ça enfin?"
J'avais avalé deux boîtes d'antidépresseurs, mon visage était méconnaissable et je ne maîtrisais plus mes tremblements.

Les gens sont cons tout de même. Il avait mon dossier sous le nez ce médecin de garde de merde et il me demandait pourquoi je tremblais.

Bref, cette fois là j'étais arrivée en pleine nuit. La première chose qu'on nous fait dans un HP c'est qu'on nous dépouille.
Ils prennent toutes nos affaires et les fouillent minutieusement.
- « C'est quoi ça?
- Mes tampons.
- On peut pas vous les laisser.
- Ah bon? Vous croyez que je vais me suicider avec un tampon? Vous croyez que je vais essayer de me pendre avec la ficelle?
...
- C'est quoi ça?
- Un carnet.
- On le prend aussi.
- Mais pourquoi? J’ai besoin d'écrire moi!!!
- On vous donnera une feuille blanche. »

Après ils comptent mes culottes, inspectent ma brosse à dents (qu'ils ne me laissent pas), regardent à l'intérieur de mon portefeuille, scrutent la photo de Jeannot, mettent tous mes habits dans un carton et me tendent un pyjama en papier bleu.

J'enfile le pyjama bleu.

Hier soir j'ai voulu mourir.

Et aujourd’hui on m'enlève le peu que je possède, on me donne un uniforme ridicule et bien sûr on me donne des médicaments que je ne connais pas et on ne me dit pas ce que c'est.

Ils pensent que je suis quoi?

Un numéro?

Une pauvre suicidaire qu'on peut déshumaniser sans scrupule?

Le matin quand je me réveille et que je sors de la chambre je me demande si je ne suis pas en train de faire un cauchemar.
Au milieu du hall d'entrée les patients font la queue devant une infirmière mal aimable qui leur donne des médicaments directement dans la bouche.

J’ai envie de chanter « à la queue leu-leu, à la queue leu-leu, tout le monde s’éclate, à la queue leu-leu.. »
Je me retiens.
Ce serait mal venu je crois.

On est loin de ma Clinique Privée. On est loin du joli parc, des infirmières chaleureuses, on est bien loin de la dépression des petites filles riches.
J'ai terriblement peur.

Rencontre avec le psychiatre.
Il a donc ce fort accent.
La première question que je lui pose c'est: "Suis-je en hospitalisation Libre?"

Il me répond: "Si vous me reposez encore une fois la question je vous met en hospitalisation légale."

??? Je lève les yeux vers lui et me demande si c'est une blague.
ça n’a pas l’air.

Je me mets donc à lui parler de moi.
Je suis lucide et lui explique la situation, le chagrin d'amour, le mal être,etc...
Je minimise les choses, je lui montre que je suis une fille censée et que je sais pertinemment que j'ai déconné et que le peu d'heures que j'ai passé ici m'a vacciné à tout jamais.

Il n'adhère pas une seconde à mon discours.
Il me dit: "Vous
croyez que vous avez la toute puissance hein? Je ne vais pas vous lâcher."

?????
Je panique, je lui explique que je ne suis pas folle, juste déprimée, très déprimée d'accord mais pas cinglée.

Il rit.

C'est qui ce dingue????

Je panique et je lui dis que si je suis en hospitalisation libre j'aimerai rentrer chez moi parce que je n'ai pas ma place ici, et que ce n'est pas dans ce genre d'endroit que je vais soigner mon simple chagrin d'amour.

Il rit. Il me dit: "Vous croyez que vous êtes plus forte que tout le monde hein?"

Je panique sévère. C'est qui ce barge???
Je lui demande quels sont les médicaments qu'il me prescrit.

Il me répond: "Vous n'avez pas à savoir."

Je panique vraiment.

Je lui demande la permission de passer un coup de téléphone à mes parents.
Il me dit que le téléphone c'est à 19 heures et c'est tout.
Je le supplie.
Il me fait dégager de son bureau.


Après cette entrevue on ne peut plus « originale » je vais errer quelques heures dans le hall, dans les couloirs et dans la cour.

Ici les gens ne bavent pas parce que les antidépresseurs ne font pas baver.
Ici les gens n’ont pas la langue qui pend.
Ici ce n’est pas un spectacle comique.
Ce n’est vol au dessus d’un nid coucou.
Les HP ne sont pas des asiles et le mot fou n’existe pas.

Ici il y a des gens qui souffrent. Des souffrances comme t’en a jamais vu.
Des souffrances loin de la mienne.
Mais pourtant j’ai l’impression qu’il n’y a que moi qui ai mal.
La dépression ça rend terriblement égoïste.

Je discute à travers les barreaux d’une fenêtre avec un homme enfermé.
Les « pires » sont enfermés.
J’entends des gens qui hurlent.

J’ai très peur.

Je commence à me dire sérieusement que le psychiatre va m’interner de force.
Je ressasse ça sans arrêt.
Au bout d’un moment je me dis que je ne peux pas rester ici.

C’est alors qu’un épisode assez drôle commence.
Armée d’un courage suicidaire, je décide de m’évader.
Pas de partir sagement, non non.
De m’évader.
Comme dans les films.
Non mais ce qui est vraiment drôle c’est que je l’ai fait.

L’HP public où j’étais était une structure immense constituée de plusieurs bâtiments.
Je suis allée tout au fond, dans les arbres, et au bout il y avait un grillage.
Un haut grillage.

Et bien je l’ai escaladé.

C’était assez grotesque j’imagine. Moi la fille la moins sportive du monde je grimpais, en pyjama bleu, sur un grillage qui se pliait sous mon poids. Je me suis lacéré les mains mais j’ai réussi.

J’ai marché un bon moment et je suis arrivée à l’entrée. Oui mais voilà à l’entrée il y avait des gardiens.

Alors je me suis mise à courir.
C’était ridicule, les gardiens m’ont rattrapé en 3 minutes.

Et ils ont appelé mon psychiatre.
Alors je me suis mise à pleurer comme jamais.
Je les ai supplié de me laisser passer un coup de fil à ma mère.
Ils étaient très mal et me certifiaient qu’ils n’avaient pas le droit, que seul mon médecin pouvait m’y autoriser.

Le fameux psychiatre est arrivé.
Accompagné d’infirmières ils m’ont ramené jusqu’à mon unité, sans un mot.

Le psychiatre m’a enfin laissé téléphoné.
J’ai dit à mes parents que j’étais dans un endroit impossible et je les ai supplié de venir me chercher.

Ils sont restés 1h30 dans le bureau du psychiatre.
Le psychiatre les avait convaincu de me forcer à rester.

Mes parents ont usé de tous les stratagèmes possibles pour que je reste.

Mon père me disait : « si tu étais mineure je ne te demanderai pas ton avis »
Ou alors : « en tant que Papa qui t’aime je pense que le mieux c’est que tu restes ici. »
Mais j’ai tenu bon.
Et au final mes parents m’ont emmené avec eux, à contre cœur.
Et moi je m’éreintais à leur expliqué que ce médecin était taré.

C’était atroce.
Ce psychiatre complètement allumé qui voulait m’interner de force et qui voulait me faire passer pour folle.

J’ai eu de la chance je crois.

Mais comment ça se passe avec les autres ? Combien de personnes sont internées alors que ce n’est pas de ça dont elles ont besoin ? Combien de diagnostiques sont fait en 10 minutes par des médecins tarés?

La seule chose dont j’aurai eu besoin c’est d’aller passer quelques temps chez une grand-mère à la campagne.

La seule chose qui m’aurait fait du bien c’est de manger de la soupe, de dormir dans des draps qui sentent bon la lessive et de faire du tricot.

Mais certainement pas de finir dans un HP.

Qui a dit qu’un chagrin d’amour se soignait à coups de médocs ?



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Commentaires
M
J'ai froid... En lisant ta note. Ton pyjama en papier bleu, je le porte. Mes mains saignent, comme les tiennes.
D
Rebonjour, je suis déjà passée par ici... <br /> ce mini commentaire juste pour te dire que si ce n'est pas déjà fait, je te conseille de lire "Véronika décide de mourir", un roman de Paolo Cohelo qui raconte (justement) l'histoire d'une Véronika qui décide de mourir et qui se retrouve en HP (en même temps, ça présente la "folie" comme quelque chose de séduisant alors que la réalité est bien souvent tout sauf séduisante... c'est Paolo Cohelo forcément... mais c'est tout de même intéressant).<br /> <br /> Ton expérience avec ce psychiatre ne m'étonne qu'à moitié, en ps*cho on se raconte souvent la blague suivante: "quelle est la différence entre un psy et un psychopathe?" <br /> => le diplome<br /> Bon, c'est facile et c'est pas vrai pour tout le monde mais quand on voit certains critères de séléction (et quand on connait personnellement certains "psy") on a des raisons de s'inquiéter :o) (je ne dis pas ça parce que je ressors d'une mauvaise expérience thérapeutique mais parce que je fais partie de la catégorie ;o)
C
C'est précisément, exactement ça Master! <br /> Merci mon dieu! Enfin quelqu'un qui comprend!
M
J'ose espérer que le psy était très intelligent et un poil manipulateur. Et je me rassure à penser qu'il a fait exprès... Mais j'espère seulement.<br /> <br /> Car dans le cas contraire, au cas où il soit un peu taré, tu as du commencer à sentir, au moment où LUI pris les rennes, où il a donné des ordres, et ne t'as pas considéré comme un être humain, là, à cet instant précis, tu as du sentir que tout basculai autour de toi, sans que tu n'y ai prise. Ta vie t'échappais, et on allait te faire passer pour quelqu'un d'autre. Quelqu'un de malade. Alors que toi, au final, tu étais shooté aux anti-d mais pas tant que ça, pas au point de ne pas réaliser qui tu étais, le masque que tu portais, et l'image que tu renvoyais aux autres. Tu allais pas bien, mais pas au point qu'on te gave de force de medocs comme "les pires".<br /> <br /> Je pense pouvoir comprendre la peur que tu as ressenti. Le décrochage du "là, à partir de maintenant, ils vont vraiment me faire passer pour une folle, et je ne pourrai plus rien contrôler, ni m'y opposer, ni même être informée. Je ne serai qu'un objet, un numéro, un nom accolé à une ordonnance médicale"...<br /> <br /> m'enfin, je me trompe peut-être...<br /> <br /> (v quand même voir si LoganSan ou Peter Parker sont d'accord avec moi...) :-DDD
R
Le post du vendredi ?<br /> Le post du vendredi ?<br /> Le post du vendredi ?<br /> Le post du vendredi ?<br /> Le post du vendredi ?<br /> Le post du vendredi ?<br /> Nous, bienheureux lecteurs du coton tige, sommes comme des plantes tropicales assoiffées. Les mots de coton tige sont notre eau. Sans eux nous dépérissons ...<br /> (pardon autres-lecteurs de vous avoir associés à cette requête sans autorisation préalable, mais c'était, vous le comprendrez, un cas de force majeure !).
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